La dernière séance consacrée à l’histoire de notre orchestre consistait en une rencontre avec quatre anciens musiciens, le violoncelliste Lane Anderson, le clarinettiste Jean-Louis Dedieu, le percussionniste Christian Siterre et le violoniste Marius Mocanu. Ce fut une rencontre passionnante au cours de laquelle ces musiciens ont évoqué presqu’un demi-siècle de concerts, de tournées, d’enregistrements, émaillés d’anecdotes, d’émotion, de surprises !
Lane Anderson, rentré en 1973 à l’orchestre y est resté jusqu’en 2004. Il était auparavant musicien à l’orchestre de Washington, avait fréquenté la Maison Blanche. Mais, à l’occasion d’un voyage en Europe, ne résista pas à l’appel de la Côte d’Azur ! C’était l’époque où plusieurs Américains ont eu des postes-clé à l’orchestre monégasque : les violonistes Sydney Weiss et Ronald Patterson, puis l’altiste Camille Musco, ainsi que Bob Martin – le contrebassiste photographe à qui l’on doit tant de précieux clichés de l’orchestre. L’un des plus grands souvenirs de Lane Anderson fut l’enregistrement du concerto pour violoncelle de Schumann, dans le deuxième mouvement duquel il effectue un mémorable duo avec le violoncelliste Truls Mörk. (On a écouté cet enregistrement lors de la rencontre).
Resté plus de quarante ans à l’orchestre, de 1976 à 2017, Jean-Louis Dedieu réussit le concours d’entrée à l’orchestre alors qu’il était encore élève au conservatoire de Paris. L’administrateur de l’orchestre René Croési lui accorda un congé pour qu’il puisse passer son prix au conservatoire de Paris – qu’il obtint, bien sûr, avec félicitations du jury. Dévoué à la cause des autres, Jean-Louis Dedieu a été délégué de l’orchestre – en même temps qu’adjoint au maire de Roquebrune et chef de l’orchestre des Solistes de Monte-Carlo (les solistes en question étant des musiciens du Philharmonique). Lors de la rencontre, on a entendu le disque des « Rhapsodies roumaines » d’Enesco, enregistré sous la direction de Lawrence Foster, qui s’ouvre par un solo de Jean-lOuis Dedieu.
Christian Siterre est cet homme dont on voyait la belle silhouette se dresser au dernier rang de l’orchestre, entre 1977 et 2016 : le percussionniste. Les grands concerts sous la direction de Lorin Maazel l’ont particulièrement marqué, ainsi que l’enregistrement de « Parsifal » sous la direction d’Armin Jordan. Deux souvenirs épars au milieu de près de quarante ans d’une carrière heureuse ! Christian évoqua les tournées de l’orchestre, notamment en Allemagne de l’Est où les villes étaient misérables mais les salles de concert rutilantes… et où il n’était pas question de plaisanter : c’est ainsi, nous raconta-t-il, que des musiciens monégasques se sont faits reprendre par la police parce qu’ils se livraient à une partie de frisbee sur une station d’autoroute !
Quant à Marius Mocanu, arrivé au début des années 80 lorsque tant de musiciens roumains de grande qualité ont débarqué en France pour fuir le régime totalitaire de leur pays, il doit son entrée à l’Orchestre de Monaco à sa présence d’esprit. Ayant passé en 1981, derrière paravent, en la Salle Garnier, le concours d’entrée à l’orchestre et n’ayant pas été retenu pour l’épreuve finale, il eut l’idée d’aller demander au jury, à la fin de la journée, les raisons de son élimination. Son intention n’était point de contester son élimination mais de savoir comment il pourrait s’améliorer en vue d’un prochain concours. Le président du jury lui dit : « Vous étiez très bien mais vous avez joué trop vite le trait du « Casse Noisette » !
– Ah bon, s’étonna Marius! En l’absence de chef pour me diriger, je l’ai joué au tempo indiqué sur ma partition.
– Et vous pourriez recommencer à un autre tempo ?
– Evidemment ! »
Et c’est ainsi que Marius Mocanu, reprenant son violon, arriva à convaincre les jurés et fut engagé… avec leurs excuses ! Cela fut pour le bien de l’orchestre, puisqu’il y resta jusqu’en 2013.
La rencontre avec ces quatre musiciens a eu lieu le 24 octobre. Ce fut l’occasion de rendre hommage à Yakov Kreisberg, dont c’était la date anniversaire.
A suivre…
