11 juin 2025 Valérie

Point presse : Monaco : La reine Anne-Sophie

©Stéphane Danna

Elle sortit des coulisses comme à un concours d’élégance. Tout, en elle, lui donnait une allure de reine : la souplesse de sa démarche, les miroitements de sa robe en taffetas rose, la blondeur de sa chevelure. Anne-Sophie Mutter tenait à la main l’un de ses deux violons Stradivarius. Une fois de plus, sur la scène de l’Auditorium de Monte-Carlo, elle allait en faire un usage d’enchanteresse.

Le Double concerto de Brahms pour violon et violoncelle était au programme. Elle en donna une interprétation éblouissante, virtuose, raffinée. Elle avait pour partenaire un jeune génie du violoncelle, Pablo Ferrandez. Celui-ci lui apporta mieux qu’une réplique : il apparut comme son miroir, son double, son répondant. Entre eux, les phrases s’enlaçaient en un dialogue amoureux, s’embrassaient, s’étreignaient, chargées de passion et de frissons. On ne pouvait imaginer complicité plus parfaite entre deux musiciens. Parfois, ils se laissaient emporter par la houle de l’orchestre mais ils réapparaissaient, vainqueurs, dans l’éclat solennel de la musique brahmsienne. A la fin du concerto, la salle fut debout.
Deux autres œuvres étaient au programme. La première, du compositeur japonais Toru Takemitsu, s’intitulait poétiquement J’entends le rêve de l’eau. Un frémissement aquatique, un murmure de pluies lentes ! Tout au long de l’œuvre, une flûte glissait à fleur d’orchestre, toute vibrante du souffle de la soliste Kie Ishii.

Le concert s’acheva en apothéose avec la 3ème Symphonie de Saint-Saëns. Dans cette œuvre dantesque l’orgue tient tête à l’orchestre. La confrontation est monumentale. L’orgue en question était un instrument électronique qu’on avait placé dans un coin de la scène et qui était joué par Emmanuel Pélaprat. Kazuki Yamada, ce soir-là, fut plus qu’un chef d’orchestre – un bâtisseur de cathédrale. Il fit vibrer l’immense nef sonore, faite de cuivres, de vents, de percussions, de frissons et de tonnerres. Il porta à bout de bras la musique et la salle, amenant le public à un sommet d’exaltation qui le fit se lever une seconde fois. Et c’est ainsi que s’acheva l’un des plus beaux concerts de la saison monégasque.

André Peyrègne Résonances lyriques

08 juin 2025